• (Photo : Rire méphistophélique de NNM)

     

    Le monde est toujours aussi ridicule ; cela me vaut parfois de longues soirées de fous-rires démoniaques. Antéchrist plutôt porté à vivre avec son temps, je manifeste en général un grand intérêt pour la musique. Je me déhanche de temps à autres dans des boîtes branchées, je passe des nuits blanches à onduler dans le noir, transpirant au milieu des foules de la jet-set la plus extrême, de l'alternatif le plus ultime, des désaxés les plus étranges... Normal, me direz-vous. J'ai un rang à tenir ! Cependant, cela me permet d'être aussi au courant des dernières tendances, chose cruciale pour qui vise à la totale décadence de l'Humanité. A l'émergence de la tecktonik, j'ai bien cru que mon Règne était imminent. Et puis...décidément, il faut que je vous raconte.

    Pendant que les petits métalleux s'agitent sur les nouveaux Metallica, Motörhead ou AC/DC, à l'arrière des chapelles qu'ils exècrent et qu'ils parodient, un nouveau genre est en train de naître : la Christian Tecktonik. Etonnant ? Ça, je suis bien d'accord : rien que le nom a nécessité, je crois, une encyclique ou une bulle papale - l' Eglise Catholique et Romaine à la pointe de la hype la plus éphémère ? Oh, non ; juste une légalisation de routine, un point de détail : le nouveau passe-temps des jeunes ouailles quand la fièvre du samedi soir les prend (ce truc-là ne respecte rien, ni sexe ni confession - c'est bien une idée de mon Maître !). Il faut qu'ils se bougent, qu'ils dépensent en mouvement vains leur dangereuse énergie ; autant que ce soit dans quelque chose de plus-rigoriste-que-ça-tu-meurs. Le truc, c'est de rester pieds joints et de garder les bras tendus. On ondule comme un christ en croix dans la tempête, les extrémités fixées par d'invisibles clous - je sais, c'est barbare. On les voit remuer la tête, le ventre et les hanches à toute vitesse, un peu comme s'ils mimaient l'électrocution : c'est tordant. Assis au bar dans un coin sombre, remuant l'olive dans mon cocktail, dans un sens, puis dans l'autre, je les observe. Plus je les vois plus je sens monter en moi un rire luciférien. 'DJ Stigmate' se déchaîne aux platines, comme s'il voulait faire bouger jusqu'à l'écorce terrestre ; les sacrifiés volontaires sont en transe, images grotesques, absurdes, épileptiques.

    « Par malheur pour tous ces petits martyrs, le ridicule ne tue pas... »

    La voix qui me susurre ces mots à l'oreille, je la connais : un ton légèrement piquant, relevé, une haleine douce et délicatement glacée...la Fille au Glaçon ! Enfin ! Mon cœur d'Antéchrist fait un bond dans ma diabolique poitrine ; elle est là, dans l'ombre, à côté de moi. Un frisson me parcourt de bas en haut quand son regard me croise ; d'excitation, certes, mais aussi d'orgueil : mon stratagème a fonctionné ! Elle est venue à moi, encore, attirée par le phénomène qui se trémousse encore sur la piste de danse ; et si j'ai lieu d'en tirer une fierté légitime, c'est qu'il faut que je vous fasse un aveu : la Christian Tecktonik, ce phénomène de mode stupide, cette aberration chorégraphique au summum de l'énorme et du ridicule...hé bien, c'est Moi qui l'ai inventée.


    Signé : Cousin Gat'& Cousin Greg'.

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