• Antechrist Pop Stars... (4/4)


         Ils commencèrent par un morceau court ; mais déjà l'effet produit sur la salle fut saisissant. Plusieurs jeunes femmes s'évanouirent ; et un vent froid souffla parfois, inexplicablement, dans la pièce. J'aurais dû remarquer alors que quelque chose ne tournait pas rond...mais non. J'étais trop absorbé, trop ému sans doute ; sinistre erreur (on ne m'y reprendra plus).

         Après ce premier essai, le silence se fit dans la salle ; Tromsö testait son public, seul un léger filet de batterie portait la tension dramatique à son maximum. Sur le bar, ma main tremblait... "Un autre !" cria quelqu'un sans rompre la transe ; "encore !" ajoutèrent plusieurs voix en choeur. Le chanteur sourit ; il leva la main, comme un signal, et ce fut l'explosion.

         Dès cet instant, Tromsö lâcha les chevaux, et la musique s'enfla dans toute la salle, lourde et puissante comme une émanation directe des Enfers. Je ne bougeais pas, mais les pans de mon vêtement et mes cheveux en bataille volaient autour de moi... Les notes et les ondes issues des amplis tournaient en une infernale sarabande, se répercutant sur les murs et sur les spectateurs qui recevaient tout cela les yeux écarquillés et la bouche ouverte. Sans aucune restriction possible, le courant passait ; il se déversait même de la scène en flot continu et sauvage, dans les conditions quasi-réelles d'un concert infernal tel que les rares Démons qui me lisent ont pu en connaître. C'était fort, c'était beau ; pas un instant je n'envisageai que cela pût être trop. Et pourtant...

         Voilà bien le souci avec les Mortels ; ils n'assument pas. Ils veulent à tout prix compenser le Bien par le Mal, le Clair par l'Obscur, le Divin par le Malin. Mais quand vous leur donnez exactement ce qu'ils demandent...ils pètent les plombs. Ils craquent, ils grillent un fusible. Faibles gens... Au moment le plus intense du premier concert de Tromsö, un morceau complexe et hardi, il se produisit une sorte de choc. Comme un disque qui saute, une locomotive qui quitte les rails. Tous les spectateurs se dressèrent ensemble, agités de mouvements divers et désordonnés. Je crus à une ovation quand ils levèrent leurs verres ; à une émeute quand ils les brisèrent sur les tables... La réalité était bien pire. Ils s'égorgèrent tous avec leur propre verre. Sans exception, les yeux fous et la Terreur inscrite au fond...

         Que dire, après ça ? Encore une fois, Faibles gens ! Ayant consolé comme je pouvais mes musiciens en larmes (crise de nerf, on les comprend : ces évènements collectifs, la première fois ça surprend), je rentrai chez moi par les rues sombres et désertes, en maudissant à grands cris l'Humanité toute entière. Ces gens-là vous gâchent une soirée comme de rien, bêtement, en se suicidant ; tout ça parce qu'ils ont peur d'eux-mêmes. Fichue conscience...

    Cousin Gat'.

  • Commentaires

    1
    Vendredi 26 Octobre 2007 à 21:18
    Salut,
    J'aime beaucoup cette description tantôt survoltée, tantôt apocalyptique, et surtout, tantôt les deux en même temps. Oui, l'être humain est terriblement faible !
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