Ce n'est pas parce qu'on est l'Antéchrist que l'on n'a pas aussi une histoire comme tout le monde, figurez vous. On ne naît pas conscient de ses Pouvoirs, en adressant à la sage-femme un sourire démoniaque. Non non, mon Maître n'est pas si fou, il laisse les choses venir à leur rythme. Car, que Diable, un bon artisan de la Fin du Monde ne se forme pas en 5 minutes...
Au début, j'étais un bambin "normal" ; un peu solitaire, un peu conscient de sa différence après l'embrasement inexplicable de 2 ou 3 terreurs de la cours de récré qui tentaient de me battre ou la transformation d'une professeur d'anglais en statue de sel à la suite d'un contrôle sur les verbes irréguliers...mais sans plus.
Avec l'âge vinrent les premières questions ; ces questions stupides qui viennent à l'esprit des adolescents qui se sentent à part ou rejetés. Qui suis-je, pourquoi moi, etc... Et forcément, pas de réponse. La relation avec les autres se transforme en un maelstrom d'incompréhension et de mépris réciproque ... et sans ces signes que j'étais seul à voir, le Diable seul sait où j'aurais été chercher des solutions foireuses. Il en est d'autres dans mon cas qui ne se trouvent jamais, qui craquent, deviennent moine ou se flinguent. Il paraît que j'ai perdu ainsi pas mal de concurrents. Que voulez vous, la sélection est rude... Mais, justement, il y avait ces signes. Tracés à la craie sur les murs du lycée ou dans les coins des tableaux noirs. Dans mes cahiers, aussi. Et puis ces filles que je regardais de loin, sans espoir - quoi, vous n'aviez jamais pensé que l'Antéchrist pût être timide ? - et qui tout à coup se retournaient vers moi - non pas en pouffant bêtement comme deux boutonneuses qui se moquent d'un vilain canard mais un peu intriguées, la prunelle en feu, comme si on leur avait soufflé à l'oreille : "c'est Lui..."
Ensuite, le Destin a fait le reste ; j'avais lu les bons livres, écouté les bonnes voix. Quand mon Maître me porta la Révélation, je n'en fus - comme il l'avait prévu - même pas surpris. Le terrain était favorable, mon introspection avait porté ses fruits. Ah, c'est qu'il a de la suite dans les idées, mon bon Maître.
Alors, quand j'ai le cafard, j'endosse mes habits de citoyen lambda et je pars dans la ville anonyme. J'attends sous les néons d'un abribus un hypothétique autocar, je regarde tourner dans une laverie glauque des machines qui ne sont pas les miennes, je m'enfile un diabolo grenadine au comptoir d'un "Café de la Gare"... et je pense à mon Destin. Drôle de truc quand même, le Destin...
histoire sur un "café de la gare" moi aussi, mais....le destin s'écrit à chaque instant en tous lieux et toutes compagnies. baisers ici pour toi