• Ma vie gravite autour d'une Mission phare. Certains passent toute leur vie à imaginer, organiser puis se rappeler leur mariage. D'autres mettent un point d'honneur à ne jamais rater leur fête d'anniversaire. Moi, il me faut organiser une fin du monde qui ait de la gueule. .. et sans attendre que l'Humanité cuise au court-bouillon dans ses gaz à effet de serre. Je serais né 30 ans auparavant, ma tâche aurait été facile : la Guerre Froide était pleine de solutions « pousse bouton » pour qui voulait un grand feu d'artifice. Mais les hommes étant entrés dans une ère de chaos à la petite semaine... je me vois contraint d'innover. Que Diable ! On peut être l'Antéchrist et se sentir une âme d'artiste.

    Mais pour moi, comme il est dur d'être artiste : les artistes aiment à se retrouver des heures à discuter dans la fumée, l'alcool, la chaleur d'un café bohème. Ils aiment aussi les orgies nombreuses, entre amis. Malheureusement, une teuf avec l'Antéchrist, sauf contre mesure, ça tourne à la famine : avec ma faculté de réduire drastiquement, par ma seule présence, la quantité de nourriture disponible, je mets généralement une sale ambiance : quand 500 personnes doivent se partager une cacahuète, une olive et un bretzel, il y a rapidement émeute. Quant aux cafés, ce n'est même pas la peine d'y songer – mon vieux problème avec l'alcool. L'Antéchrist est parfois tristement seul.
    Sale boulot.

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  • Il est des choses que ma condition m'oblige à faire ; je ne puis me dérober, en tant qu'Antechrist j'ai...des obligations. Une réputation à tenir, si vous voulez : être vu aux heures propices, aux lieux adéquats... Mon nom est inscrit sur d'innombrables guest-lists pour l'année à venir ; même...ici. Si, si, je vous assure ; là, regardez... Oui... Voilà. Vous voyez ? Je vous l'avais bien dit...

    Alors pour la soirée du Nouvel An, j'étais un peu surbooké, vous imaginez bien. Une première partie de soirée plutôt souterraine, une « rêve » party dans une grotte, des serveuses angéliques ... et pas d'alcool bien sûr - j'étais là, n'oubliez pas ! Où Diable aviez-vous la tête ? Coté musique, le rock pop louange. Là, je me sentais chez moi : même brodé de louanges, le rock, ça dérive en droite ligne du Blues, que certains d'entre Eux appellent "musique du Diable". Ces musiciens-là n'ont pas encore vendu leur âme en échange d'un cours de guitare, c'est d'accord ; mais ça peut toujours arriver, il n'y a pas d'âge...

    J'étais là, assis dans l'ombre, les coudes sur le zinc, cherchant dans le public quelque esprit où planter mon infernale semence. Trop jeune, trop mièvre et une haleine sucrée qui vous laisse les joues collantes.... Sauf la fille au coin du bar, un peu seule, qui mâchonnait sa paille et suçotait un glaçon. J'aurai bien aimé lui parler : ce n'est pas parce qu'on est l'Antéchrist que l'on n'a pas envie de nouer connaissance. Peu importe, puisque j'ai encore loosé : ce n'est pas parce que l'on est l'Antéchrist que l'on n'est pas timide... Un polo – ou était-ce un pull de cashmere ? - a baratiné loin de moi la fille au glaçon. C'était mieux finalement : j'aurais pu l'effrayer.

    En outre, l'heure tournait et après la permission de minuit des petits anges, il fallait bien se remonter le moral, non ? Alors j'ai filé, direction...l'autre bout du Monde, voyage instantané en classe 'transcendance' - les avantages de la profession. C'était aux Antipodes, quelque chose de festif sur une plate-forme réquisitionnée en pleine mer... Toute la structure vibrait au rythme de l'electro et du choc des vagues qui se fracassaient sur les pylônes de soutien. Ca pulsait là dedans. De la musique, des silhouettes... et du champagne, miraculeusement passé à l'as au travers de mes capacités anti-alcooliques (paraît qu'ils avaient prévu le coup, ils utilisent des verres spéciaux). Pas de doute, la soirée allait être une soirée du 'tonnerre de Dieu'.

    Je ne sais pas qui était ce grand type qui est passé près de moi juste après la première gorgée ; tout en rouge, une grande cape, une coiffure étrange avec des cornes, et sa main brûlante qui pèse tout à coup sur mon épaule... A-t-il réellement soufflé à mon oreille : "C'est bien, Fils...", ou ai-je rêvé ? C'est que, je suis très sensible à l'alcool, moi, pas trop l'habitude ; d'un autre côté, les quelques cheveux roussis sur ma tempe tendraient à prouver que, peut-être, c'est arrivé... En tout cas, ça m'a redonné le moral.


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